Louis Blouin: “Mulroney’s courage”, South Africa and Gaza

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Original source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2058972/apartheid-israel-mandela-trudeau-ottawa

Le haut-commissaire de l’Afrique du Sud au Canada rend hommage à Brian Mulroney, qui a contribué à fissurer le régime de l’apartheid dans son pays. Selon lui, le leadership de l’ancien premier ministre devrait servir d’exemple à Justin Trudeau dans sa réponse au conflit au Proche-Orient. Le diplomate, qui qualifie la situation dans la bande de Gaza « d’apartheid israélien », encourage le Canada à reconnaître l’État palestinien.

Entrevue avec Rieaz Shaik, haut-commissaire de l’Afrique du Sud au Canada.

Si vous aviez à décrire Brian Mulroney en un mot, quel serait-il?

Le courage de M. Mulroney. C’était courageux, ce qu’il a fait pour l’Afrique du Sud à un moment extrêmement difficile, où l’appui au gouvernement de l’apartheid était consolidé derrière le Royaume-Uni de Margaret Thatcher et les États-Unis de Ronald Reagan.

Ils étaient assez hégémoniques dans leur soutien à l’apartheid, et le courage de Brian Mulroney a brisé cette hégémonie. Cela a conduit à une ouverture, une petite fissure par laquelle la lumière est entrée. C’est ce qu’on appelle Vulindlela, ouvrir la voie (en langue xhosa) à d’éventuelles sanctions contre l’Afrique du Sud.

À quel point le fait de tenir tête à Margaret Thatcher fut déterminant?

C’était énorme. Je lisais sur cette rencontre du Commonwealth à Vancouver (1987) où Brian Mulroney s’est emporté contre Margaret Thatcher. Il faut comprendre que son règne sur le Commonwealth était suprême à l’époque et Brian Mulroney lui a tenu tête à propos de l’enjeu moral du moment, c’est-à-dire la mise en échec de l’apartheid, une forme de gouvernement fondée sur l’origine ethnique et la discrimination raciale.

Il nous a appris que certaines mesures prises par les gouvernements en période de crise, même si elles peuvent sembler sans conséquences sur le moment, peuvent constituer une étape cruciale vers le changement.

PHOTO : PHOTO FOURNIE PAR RIEAZ SHAIK

Brian Mulroney a été fait compagnon de l’Ordre d’O.R. Tambo en raison de ses contributions pour l’Afrique du Sud : premièrement dénoncer l’apartheid, deuxièmement militer pour la libération de Nelson Mandela et finalement imposer des sanctions contre l’Afrique du Sud.

Nelson Mandela avait de l’intuition pour reconnaître une personne authentique. Pour lui, le combat de M. Mulroney pour l’Afrique du Sud n’était pas opportuniste, mais un geste authentique.

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / FRED CHARTRAND

C’est ce que M. Mandela a voulu honorer quand il est venu au Canada et cela explique les commentaires très personnels à l’endroit de M. Mulroney dans son discours aux Communes (juin 1990).

Comment le combat de Brian Mulroney contre l’apartheid peut-il inspirer nos leaders politiques aujourd’hui?

Difficile de ne pas faire le parallèle entre l’apartheid sud-africain et l’apartheid israélien. […] Je pense que le premier ministre Mulroney peut servir de modèle pour inciter un dirigeant ou un groupe de dirigeants à suivre ses traces et faire pour le conflit israélo-palestinien ce qu’il a fait pour l’Afrique du Sud.

C’est une simple question de courage. Nous voyons tous quotidiennement la souffrance des gens à la télévision. Je pense qu’il arrive un moment où la souffrance humaine est telle que vous ne pouvez plus la supporter et vous vous exprimez. C’est ce qu’a fait M. Mulroney. Aujourd’hui, des dirigeants mondiaux doivent le faire. Je pense certainement que Joe Biden, le président des États-Unis, doit le faire. Je pense certainement que le premier ministre Trudeau devrait y penser. Nous avons besoin d’un leader qui se rallie et dit : C’est assez. Ce qui se passe à Gaza, c’est assez.

Quelle action le Canada devrait-il prendre à vos yeux?

Je pense qu’il est grand temps que le Canada reconnaisse effectivement l’État palestinien. Cela donnerait un sens à la position canadienne en faveur d’une solution à deux États. Si vous appuyez la solution à deux États, la première étape, la plus importante, est de reconnaître le droit de la Palestine d’avoir un État. C’est très important.

Je pense que nous ne devons pas nous laisser piéger dans cette voie vers la solution à deux États. Nous y sommes coincés depuis les 30 dernières années. Tout le monde s’est mis d’accord sur une voie pour ensuite constater qu’elle ne menait nulle part. Ce n’était qu’un premier pas et tout le monde est resté sur ce premier pas pendant 30 ans.

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / WM. DEKAY

Les alliés d’Israël doivent dire clairement et avec beaucoup de force que le moment est venu de trouver une solution à ce problème.

Bien sûr, une partie de ce problème réside dans la crainte des Israéliens de ne pas vivre dans un environnement sûr. Et je pense que ces questions peuvent être réglées dans le cadre de négociations. Elles devraient désormais être crédibles, significatives, avoir un impact et conduire à la résolution de ce problème.

Comment comparez-vous l’influence du Canada sur la scène internationale pendant l’ère Mulroney à celle d’aujourd’hui?

Le Canada sous-estime son capital de sympathie dans le monde. La communauté internationale perçoit le Canada comme un peuple poli, capable de résoudre les problèmes par des négociations non antagonistes. À mes yeux, c’est la façon de faire canadienne.

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JACQUES BOISSINOT

Je pense que le Canada peut en faire davantage en ce sens sur la scène mondiale, spécialement quand on considère la nature des conflits auxquels nous sommes confrontés. Nous encourageons le Canada à en faire plus.

*Certaines réponses ont été éditées et/ou raccourcies par souci de clarté et de concision.*

Avec la collaboration de Marie Chabot-Johnson et Maxime Huard.